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De Tounens : un périgourdin devenu roi d'Araucanie



À l’autre bout du monde, se trouve une terre enchanteresse. Ses grands espaces tantôt désertiques arides, tantôt couverts d’une végétation luxuriante, elle fascine et fait rêver les hommes en quête d’évasion et d’aventure : la Patagonie.

Aux confins de cette région se trouve un ancien royaume, l’Araucanie, méconnu et pour cause. Fondé le 17 novembre 1860, celui-ci n’aura vécu que deux petites années avec à sa tête un roi surprenant.



Antoine de Tounens, un brillant périgourdin


Beaucoup plus proche de nous géographiquement, dans le petit hameau de La chèze, attaché à la commune de Chourgnac en Dordogne, le 12 mai 1825, la famille de Tounens s’agrandi. Jean de Tounens, cultivateur et Catherine Jardon, son épouse, donne naissance à leur huitième enfant, Antoine.

Bien que cultivateur dans ce petit coin du Périgord, la famille n’est pas sans le sou et offre au petit Antoine, élève brillant qui obtient son baccalauréat, des études puis la possibilité d’acheter une charge d’avoué auprès du tribunal de Périgueux en 1851.

De son cabinet d’avoué, Antoine de Tounens s’évade avec des lectures sur ces grands espaces outre atlantique, mais aussi avec des articles sur une tribu en prise avec le nouvel état chilien. Deux rêves lui viennent alors : rendre à la France sa grandeur passée en lui offrant de nouvelles terres, compensant les pertes un siècle plus tôt de la Louisiane et du Canada devenus anglais depuis le traité de Paris de 1763 et surtout rencontrer ce peuple extraordinaire, les mapuches.


La situation en Araucanie et en Patagonie

Tout au sud du continent américain, vivent les mapuches qui en mapudungun (la langue des mapuches), signifie « le peuple de la terre ». Ce peuple ancestral est un peu les irréductibles gaulois sud-américains résistant encore et toujours à l’envahisseur…mais sans potion magique.

Les tribus mapuches peuvent en effet se targuer de deux exploits : avoir stoppé tout d’abord l’expansion de l’Empire Inca et être les seuls fait reculer les conquistadors. Mieux encore, les valeureux guerriers mapuches obligèrent les espagnols à conclure un traité de paix à la suite de la bataille de Curalaba, le 24 décembre 1598. Par la suite, les rois espagnols reconnaîtront de 1641 jusqu’au début du XIX siècle, l’indépendance de l’Araucanie.

Le XIXe siècle est marqué par le soulèvement du peuple chilien contre les colons espagnols. Dans ce conflit, les mapuches prennent la défense du royaume espagnol avec qui ils vivent en paix depuis maintenant près de 200 ans. Lorsque la guerre d’indépendance chilienne s’achève en 1826, la nouvelle République chilienne trouve un accord avec les mapuches pour leur laisser leur terre avant de lorgner dessus et entreprendre de mettre la main dessus quelques décennies plus tard.

Cette fois, ils sont en difficulté et la perte de leur territoire est proche...mais quand tout va mal, l’espoir vient parfois des légendes et une légende ancienne est contée dans tous les villages mapuches, celle d’un sauveur blanc qui viendrait un jour les secourir.



Un western périgourdin

De son côté, Antoine Tounens, la nouvelle Jeanne d’Arc des mapuches, est bien décidé de se lancer dans cette aventure qui le hante et qu’il projette de faire depuis quelques temps. Afin de financer son périple, il n’hésite pas à vendre sa charge d’avoué et sa famille fait un emprunt de 25 000 francs pour l’aider dans son projet fou. Celui-ci prend enfin forme en juin 1858 lorsqu’il embarque pour l’Angleterre où un bateau s’apprête à partir pour le Chili.

Enfin arrivé au Chili, le 22 août 1858, après de longues semaines de traversée, il s’attarde quelques temps dans les grandes villes chiliennes, comme Santiago, la capitale. Mais ce n’est pas les grandes métropoles qui l’attirent, il s’en va alors braver cette nature peu hospitalière du sud avec pour seul objectif rencontrer le peuple mapuche. Mais ce n’est pas sans danger, d’autant que la terre des mapuches est une terre interdite où les hommes n’ont pas le droit de s’aventurer. Il faut s’imaginer son extraordinaire voyage ressemblant à ce que l’on voit dans les westerns ou lorsque Indiana Jones se retrouve au milieu de la jungle.

Après de longues journées, se dresse face à lui le fleuve Bio-bio, la frontière du territoire des Mapuches, le début des terres interdites. C’est là qu’il fait pour la première fois la rencontre d’un membre de ces tribus qui l’attirent tant et pas n’importe lequel, Quilapan, leur chef militaire.

Alors que tout pourrait opposer les deux, du mode de vie jusqu’à la langue, l’amour de la terre va rapprocher les deux hommes. L’enfance paysanne du périgourdin permet très vite de briser les frontières linguistiques et de comprendre l’amérindien, qu’il va jusqu’à aider pour soigner les animaux et faire face aux difficultés que peuvent rencontrer tous les cultivateurs à travers le monde.


Cette amitié et le respect qui va naître entre les deux hommes va permettre non seulement à Antoine de Tounens de franchir la frontière, mais surtout de vivre au milieu des mapuches. Si le premier arrive alors à son but, les seconds lui ouvrent la porte non sans intérêt car l’homme blanc venu par-delà les mers présentent bien des avantages pour eux face au nouveau gouvernement chilien.

Très vite, il va mettre son intelligence, ses connaissances du monde politique et du monde diplomatique. Sa première mesure fut de doter les mapuches d’une constitution, obligeant alors aux chilien et au reste du monde la reconnaissance des tribus comme étant autre chose qu’une simple horde de sauvage. Très reconnaissant des rois espagnols qui respectèrent leur indépendance pendant près de 200 ans, c’est tout naturellement que les mapuches se tournent vers le régime monarchique.

Le 17 novembre 1860, voit donc la naissance du Royaume d’Araucanie et de Patagonie dont Antoine de Tounens est élu par le peuple mapuche roi et prend le nom d’Orélie-Antoine Ier, roi d'Araucanie et de Patagonie.



La chute d’Antoine de Tounens

Le nouveau monarque tente de protéger son royaume, mais surtout cette terre et ce peuple, en demandant le soutien de la France et de l’Empereur Napoléon III qu’il sollicite à multiple reprise par courrier. Malheureusement, elles restent lettres mortes. Badinguet ayant d’autres chats à fouetter au Mexique et en sein même de l’empire où les menaces de la Prusse sont de plus en plus prisent au sérieux.

Sa tête mise à prix et bien seul face aux chiliens c’est une trahison qui précipita la chute du roi d’Araucanie qui est arrêté par les autorités chiliennes le 5 janvier 1862. Les chefs d’accusations sont graves : il est qualifié d’agitateur et de troubler l’ordre public, encourant au minimum 10 ans de prison si ce n’est pire. Le pire arriva le 19 juillet 1862 lorsque le juge rendit son verdict, considèrant Antoine de Tounens comme fou il est interné dans un asile de Santigo où il sera retiré par sa famille pour le rapatrier en France.

Après quelques tentatives avortées pour récupérer son trône, Antoine de Tounens fini sa vie en France où le verdict de 1862 le suit malheureusement. Il restera aux yeux du monde un fou pour les uns et un mythomane pour les autres. S’il fut fou, ce ne fut de croire qu’en l’égalité des peuples, en leurs libertés et aux droits à leurs autodéterminations.



Le 17 septembre 1878, il rend son dernier soupire dans son petit village périgourdin de Tourtoirac où une pancarte, pouvant paraître loufoque lorsque l’on ne connaît pas son histoire, indique encore aujourd’hui la tombe la tombe du roi d’Araucanie.

Si vous passez par le village de Tourtoirac n’hésitez pas à vous arrêter sur la tombe de cet homme extraordinaire dont l’histoire et la mémoire, comme celle des mapuches, méritent de ne pas être oubliées.



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