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L'esclavage, des réalités oubliées


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Nantes, Bordeaux, Le Havre, Saint-Malo ou encore La Rochelle, autant de villes portuaires devant leurs richesses à la traite négrière qui, à l'image des statues de Colbert, sont à l'heure où cette page de l'histoire de France refait surface sous le feu des critiques.

Tout comme Bordeaux est la cible principale alors que son port est loin d'être le premier port négrier de France, ce triste titre revenant à celui de La Rochelle jusqu'en 1789 avant d'être dépassée par Nantes, la France et les pays européens ne sont pas les seules, ni même les plus grands bourreaux des africains.


Statue de Modeste Testas à Bordeaux


L'esclavagisme dans l'Antiquité et au Moyen-Âge


Si au néolithique il existe déjà des traces d'esclavages, c'est durant l'Antiquité que celle-ci va réellement se développer et devenir pour la première fois un commerce dans toutes les civilisations, romaine, grecque, égyptienne, mésopotamienne, chinoise. Les esclaves étaient soit assignés à des tâches domestiques, au travail des cultures ou encore pour les grands travaux (construction de palais par exemple).

Leur nombre est colossale, quasiment 50% de la population athénienne ou 40% de la population romaine étaient des esclaves.

Esclaves nubiens, détail d'un bas-relief du tombeau du pharaon Horemheb, XIV-XIII siècles A.C.



C'est au Moyen-Âge que la France va pour la première fois interdire l'esclavage sur son sol. Durant son règne qui fut très court, seulement deux ans, Louis X dit le Hutin (1289-1315) va proclamer dans l'édit du 3 juillet 1315 que "selon le droit de nature, chacun doit naître franc" et "par tout notre royaume, les serviteurs seront amenés à franchise". C'est ainsi que naît cette célèbre maxime : "nul n'est esclave en France".

Certes, la porté de cette édit est très limité. Tout d'abord car celui-ci se borne aux limites du domaine royale et l'affranchissement a un prix que peu de serfs peuvent s'offrir. Mais c'est une véritable avancée qui sera utilisée quelques siècle plus tard par le tribunal de Bordeaux, en 1571, pour rendre sa liberté à quelques esclaves noirs, la France ne pouvant tolérer la pratique de l'esclavagisme sur son sol.


Louis x "le Hutin"

« Toute créature humaine doit généralement être franche par droit naturel. Le Roi condamne avec énergie le joug et la servitude, qui est tant haineuse et fait qu’en leur vivant, les hommes sont réputés comme morts et, à la fin de leur douloureuse et chétive vie, ils ne peuvent disposer ni ordonner des biens que Dieu leurs a prêtés en ce siècle. »


Les grandes explorations et le début du commerce triangulaire


Lorsqu'en 1492 le navigateur Christophe Colomb découvre l'Amérique (ce n'est pas exact, mais ce n'est pas notre sujet), l'esclavagisme commence alors à se développer en Europe. Les premières victimes sont les indiens d'Amérique qui sont ramenés en Espagne. Rapidement, au début du XVI siècle, le royaume du Portugal va mettre en place un commerce effroyable d'esclaves : le commerce triangulaire.

Le principe de ce commerce est simple, les européens affrètent des bateaux qui passent par l'Afrique pour charger les cales des bateaux d'esclaves qui seront ensuite échangés en Amérique contre des produits alors considérés comme rares et d'une grande valeur.

Une première mise au point mérite d'être faite, car certains semblent avoir oublié aujourd'hui que les esclaves que venaient prendre les européens étaient alors des africains capturés et échangés par d'autres africains. Si cela ne dédouane pas les européens, les africains ont eux-mêmes une part de responsabilité dans cette horrible page de l'histoire de l'humanité.

Bertrand Guillet, La Marie-Séraphique navire négrier, éditions MeMo, Nantes, 2009.


Ce commerce va continuer durant trois siècle, Louis XIII va autoriser la traite des noirs en 1642 et le grand roi Louis XIV va quant à lui l'encourager en accordant en 1672 une prime de treize livres par "tête de nègre" aux négriers.


C'est là qu'une seconde petite mise au point doit être faite, celui-ci évitera je l'espère de déboulonner les statues de Colbert ou de débaptiser les écoles, places et rues rendant hommage au grand homme d'Etat qu'il fut, à son génie et ses idées foisonnantes qui perdurent encore aujourd'hui comme l'Etat centralisé (critiquable peut-être), la création de l'Académie des Sciences, la marine française etc.

Non, Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), n'est pas le créateur du fameux Code Noir et encore moins le penseur de l'esclavage en France. La traite des noirs ne date pas du XVIIe siècle et le Code noir lui date de 1685, soit deux ans après sa mort. C'est à un autre Colbert

qu'on le doit, son fils, Jean-Baptiste

Antoine Colbert, marquis de Seignelais (1651-1690). Il serait alors totalement inepte, en plus de juger avec 300 ans de retard et avec notre regard actuel Colbert, tout comme de l'accuser de crime dont il n'est pas l'auteur.

De plus, il est à noté que ce Code noir apporte aussi quelques protections aux esclaves, dorénavant les maîtres n'auront plus le droit de vie ou de mort sur ces derniers, ni de les mutiler. Mieux encore, les esclaves seront en cas de crime jugés comme n'importe quel homme libre du royaume de France.


A ce sujet, on vous invite à lire (pour les abonnées), cet excellent article du journal "Le Monde" :

« Colbert n’est pas l’auteur principal du Code noir, ni le maître-penseur de l’esclavage français » : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/19/mettre-colbert-a-la-poubelle-de-l-histoire-la-question-est-difficile_6043514_3232.html


Ecoutez cette vidéo avec attention :


A la fin du XVIIIe siècle, le peuple français se souleva contre le pouvoir royal et son autorité. Lorsque le peuple français se révolta en 1789, la condition des noirs ne fut pas oubliée, en témoigne ces nombreuses lignes dans les cahiers de doléances réclamant l'abolition de l'esclavage, qui sera effective en 1794.

Pionnier de l'émergence des idées abolitionnistes en France, Jacques Pierre Brissot créa en février 1788 la Société des amis des noirs.

La Société des amis des Noirs milite alors pour l'égalité des Hommes de couleur libres avec les blancs, l’abolition immédiate de la traite des Noirs et la suppression progressive de l’esclavage colonial. En novembre 1790, il dénonce, dans une lettre ouverte, les premières équivoques de Barnave qui, membre du comité des colonies, agit discrètement, contrairement à ses engagements, pour le maintien de la domination blanche à Saint-Domingue. Cette dénonciation se propage dans les clubs révolutionnaires au printemps 1791, après l'annonce à Paris de l'assassinat du mulâtre Ogé. Après la fuite de Louis XVI en juin 1791, il rédige au champ de Mars la pétition pour la déchéance du roi (17 juillet 1791) et demande la proclamation de la République, en s’opposant à sa vieille connaissance, le royaliste Théveneau de Morande, dont il devient définitivement l’ennemi.


Les européens, seuls bourreaux de l'Afrique ?


Si on pose la question, la réponse semble toute évidente et en effet elle l'est. Non, les pays européens ne sont pas les principaux tortionnaires du continent africains.

Organisé du VIIe siècle jusqu'au XXe siècle la traite négrière orientale est par sa durée et par son ampleur la plus importante. Elle est pourtant celle que la mémoire collective semble vouloir oublier.



Résumé : «Les Arabes ont razzié l'Afrique subsaharienne pendant treize siècles sans interruption. La plupart des millions d'hommes qu'ils ont déportés ont disparu du fait des traitements inhumains. Cette douloureuse page de l'histoire des peuples noirs n'est apparemment pas définitivement tournée. La traite négrière a commencé lorsque l'émir et général arabe Abdallah ben Saïd a imposé aux Soudanais un bakht (accord), conclu en 652, les obligeant à livrer annuellement des centaines d'esclaves. La majorité de ces hommes était prélevée sur les populations du Darfour. Et ce fut le point de départ d'une énorme ponction humaine qui devait s'arrêter officiellement au début du XXE siècle.»



D'après l'historien américain Ralph Austen, celle-ci représente avec 17 millions de personnes déportées près de 40% de l'ensemble des africains déportés pour être utilisés comme esclaves. Et avant que l'on pense que les 60% sont le fruit des européens, "seulement" 11 millions d'africains furent déporter par les pays d'Europe soit 26%...et 14 millions furent déportés par les africains eux-mêmes soit 33%.

Des marchands arabes et des esclaves noires traversant le Sahara, représentation


Le cours de l'histoire, la colonisation qui a suivit rapidement la fin du commerce triangulaire ainsi que le sentiment pour les africains et le monde musulman d'appartenir à un même bloc, celui des pays du Sud contre les pays du Nord, semble être à l'origine de la minimisation de la traite négrière orientale.


Autre raison à cela, la repentance qui habite les anciens pays esclavagistes et les anciens empires coloniaux du monde occidentale. En effet, dès que les idées en faveur de l'abolition de l'esclavage émergèrent et après son abolition en France en 1794, puis en 1848, ce commerce fut qualifié à juste titre "d'infâme trafic", mais le mouvement abolitionniste ne connu pas le même succès dans les pays orientaux.


 

Nous ne devons pas oublier les pages noires de notre histoire, l'esclavage en est une terrible, de même nous ne devons pas occulter les réalités qui dérangent. Européens, orientaux et africains, nos pays ont tous par leur passé une part de responsabilité dans l'esclavage de masse du continent africain.

Cependant, nous ne pouvons pas juger avec nos regards contemporains les grands personnages de nos nations et condamner ceux qui furent responsables de ces atrocités.

Le véritable combat qui mérite aujourd'hui d'être mené est celui pour lutter contre l'esclavagisme moderne. A l'heure où on tente de refaire bêtement l'histoire, 30 millions de personnes à travers le monde vivent sous le joug de l'esclavage.

"Trente millions d’esclaves dans le monde" :

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